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I. Les contours de l’Etat socialAu cours des décennies de construction des Etats nationaux dans la région méditerranéenne, les contours de l’Etat social ont été élaborés autour de « contrats sociaux » assis sur l’intervention et la redistribution étatiques. Les années 1970 à 1985 ont été relativement fastes pour l’ensemble de la région. A partir de la moitié des années 1980, les taux de croissance de l’économie commencèrent à se réduire, alors que les taux de croissance démographique se maintenaient à des niveaux élevés. C’est à partir de cette période, quoiqu’à des dates différentes, que les Etats de la région entrèrent en ajustement. Les budgets publics répercutèrent l’infléchissement : des déficits apparurent, et les fonctions d’investissement et de développement social que les Etats avaient assumé jusque-là durent subir des réformes. 1. Des Etats interventionnistes, modernisateurs et redistributeursDe nombreux auteurs et chercheurs 5 ont analysé l’établissement de pactes sociaux dans les pays arabes. Malgré des différences notoires, ces derniers partagent un certain nombre de traits qui rendent pertinente une relative généralisation. Ces pactes sont fréquemment fondés sur une approche populiste ou paternaliste de la politique, étayée par des politiques fortement interventionnistes - l’Etat intervient dans tous les secteurs sociaux et économiques. Partis politiques, syndicats et associations professionnelles permettent une large intégration dans les mouvements politiques nationalistes, et servent de base à la régulation du travail, tout en consolidant la prise de pouvoir par de nouvelles élites, dont l’armée constitue le noyau dur. Ces formes de contrat social ont notamment contribué à définir les modes de relations entre Etat et travail – et en particulier les contours du salariat - , à affaiblir la marge de manoeuvre du capital privé, et à engendrer des configurations de pratiques, de normes, d’obligations et d’attentes – sinon de droits -, qui ont marqué deux ou trois générations. La restriction de la participation, des libertés et droits politiques est en effet contrebalancée par des politiques redistributives, assises sur une rhétorique du solidarisme et du nationalisme (Richards et Waterbury 1998), l’une et l’autre formant la base de légitimité des Etats. Le développement, le progrès, la sécurité économique, le droit au travail, l’amélioration du bien-être social, et la protection sociale au sens large sont érigés au rang de missions, de responsabilités publiques, quoique de façon moins marquée au Maroc, au Liban et en Jordanie qu’en Algérie, en Syrie et en Egypte, par exemple. La protection sociale relève principalement d’une configuration politique de patronage, de redistribution légitimatoire de la part de régimes politiques patrimoniaux et plus ou moins autocratiques. C’est sous le contrôle direct de l’Etat, en sa vertu d’employeur mais aussi d’arbitre ultime, que se sont élaborés les programmes de protection et de sécurité sociales et le droit du travail, en tant qu’outils de régulation de la force de travail mais surtout de régulation politique. Toutefois, si ces interventions ont modelé l’intégration au salariat de portions importantes de la population active, elles ont aussi laissé en dehors de leur champ de nombreux groupes sociaux. Ces types de contrats sociaux, dans leur forme la plus caractéristique, s’inscrivent dans des contextes économiques largement financées par des sources de revenu exogènes et dont le fonctionnement s’apparente – au moins partiellement - à celui d’économies rentières (Beblawi et Luciani 1987, Destremau (ed.) 2000). Dans les pays exportateurs de main d’œuvre, les revenus privés sont fortement subventionnés par les rapatriements d’épargne des travailleurs migrants. Quant aux revenus publics, ils proviennent pour une bonne partie de pures rentes (pétrole et autres minerais, revenus financiers, canal de Suez, etc…), de l’aide extérieure, de retombées touristiques et de revenus douaniers, alors que la fiscalité intérieure y pèse peu. C’est à cet égard que l’on ne pourra réellement parler d’Etat providence, au sens ouest-européen du terme, quelle que soit la dimension redistributive et interventionniste de ces Etats, et c’est pour cette raison que les divers dispositifs publics de protection sociale s’avèreront si vulnérables au cours des années de crise. Il demeure que le système fonctionne pendant deux voire trois décennies, assez longtemps pour réduire considérablement la pauvreté et les inégalités, faire progresser les indicateurs sociaux de façon très rapide, et assurer la stabilité des Etats en place. Bien que sur des bases elles aussi fragiles, il contribuera à ériger les bases de la cohérence nationale et de la cohésion sociale. Suite à la chute des prix du pétrole, les années 1990 et 2000 sont celles de la récession, de l’ajustement et de la libéralisation de l’économie. Les États appauvris ne peuvent plus se permettre de financer de larges et généreux dispositifs sociaux. Les contraintes budgétaires, particulièrement lorsqu'elles sont rationalisées dans le cadre des programmes d'ajustement, les poussent à tendre vers une économie maximale des moyens publics, la réduction des effectifs, la privatisation des entreprises publiques… Ils gardent néanmoins une fonction sociale importante: d'une part, l'aménagement de la transition vers une logique de marché rend nécessaire le maintien de services éducatifs, sanitaires, de formation et de logement qui favorisent la valorisation du capital humain; d'autre part, la gestion des tensions provoquées par l'appauvrissement repose sur des dispositifs d'aide sociale désignées sous l'appellation de "filets sociaux de sécurité" (FSS). La crise économique et la réforme de l’administration publique ont remis en cause les formes du pacte social de la période de prospérité et la cohérence qui s'était établie entre économique et politique. Les tensions qui traversent quasiment tous les pays de la région s'enracinent autant dans cette nouvelle incohérence, et dans des attentes insatisfaites vis-à-vis des fonctions sociales de l'État que, étroitement, dans la perte de pouvoir d'achat des ménages. 2. Les services publics, piliers de la fonction modernisatrice et cohésive de l’EtatLe développement humain a constitué l’axe dominant de l’intervention publique : l’Etat social dans la région arabe se structure tout d’abord autour des services publics d’éducation et de santé.
Source : World Bank 2002 La santé publique est restée officiellement gratuite 6 pour les usagers et financée par les ressources de l’Etat (Longuenesse 1992) jusqu’aux réformes imposant une participation des patients. La part des dépenses totales de santé prise en charge par l’Etat dans la région ANMO7 est la plus forte des régions en développement : 56% en moyenne (World Bank 2002). Toutefois, dans certains pays, elle se situe bien en dessous de celle assumée par les patients : c’est surtout le cas en Egypte, au Liban et en Syrie, où les contributions privées représentent plus des deux tiers du total, le Maroc et la Tunisie se situant à proximité. Les investissements dans la santé publique ont eu des effets magistraux sur l’amélioration des indicateurs sociaux, bien que des inégalités demeurent dans l’accès à la santé et aux infrastructures sanitaires. L’espérance de vie moyenne a progressé de plus de 150% entre 1950-55 et 1990-95, passant de 41,5 ans à 64 ans (UNDP 2002). Dans le domaine de l’éducation, l’investissement de la puissance publique est très considérable, mais beaucoup plus faible au Liban que dans les autres pays. De fait, les progrès en termes de scolarisation sont incontestables : dans le primaire, elle est proche de 100% (sauf au Maroc), et elle progresse également dans le secondaire. Il n’est pas certain que la dépense soit très équitable dans tous les pays : au Maroc et en Tunisie, en particulier, on note un écart considérable entre la dépense publique par élève dans l’éducation primaire et secondaire : de un à trois et demi pour le premier, et de un à deux pour le second (World Bank 2002). Les taux d’alphabétisation progressent aussi, bien que subsistent de fortes inégalités (notamment entre genres) et des retards flagrants : pour l’ensemble de la région, en 1999, un quart des hommes et la moitié des femmes étaient analphabètes. Ces dernières ont donc peu de moyens d’améliorer la qualité de leur vie et celle de leur famille, alors même qu’une partie substantive de la population pauvre est composée de ménages dirigés par des femmes. La génération suivante ne sera pas considérablement mieux équipée : en Egypte, 38% des filles sont analphabètes, 56% au Yémen et 43% au Maroc (UNDP 2003). Il est difficile de savoir dans quelle mesure les processus d’ajustement et de rationalisation des dépenses publiques menacent ces progrès. On peut souligner plusieurs tendances : dans l’éducation, si le niveau global des dépenses se maintient par rapport au PIB, il tend à baisser par élève, et ce non en raison de gains d’efficacité mais essentiellement du fait de la baisse des salaires réels des enseignants et des dépenses de matériel. En outre, le travail des enfants8 a des effets difficilement mesurables sur la qualité et l’assiduité de leur scolarisation, tout comme le chômage des diplômés sur l’incitation globale à poursuivre des études. L’on sait que la qualité de l’enseignement public baisse indubitablement, et qu’une fracture se crée entre celui-ci et un secteur privé en plein essor. Dans la santé, ces tendances sont plus marquées encore : la fuite des praticiens vers le privé et la hausse de la part des coûts assumés par les patients entérinent et accentuent la difficulté d’accès à des services de santé de qualité pour les ménages les plus modestes. La montée de la pauvreté humaine, appréciée par les indices IDH / IPH du PNUD, signe la remise en cause des fonctions étatiques de la période précédente: c'est ici non plus seulement le bien-être matériel et privé qui est menacé, mais le mouvement même de modernisation sociale, porté surtout par les progrès dans les domaines de l'éducation et de la santé. On note aussi un interventionnisme croissant des institutions internationales publiques et privées, qui remet en cause la prérogative publique dans ce secteur. 3. L’Etat employeurLes Etats se distinguent par l’ampleur de leur rôle d’employeur, forme éminente de la redistribution dans la région. L’emploi gouvernemental représente plus du cinquième du total de la population active en moyenne pour la région tout au long des années 1975 à 1997, soit entre 2 et 3 fois plus que les autres régions en développement et une fois et demi la moyenne mondiale (World Bank 2002, ERF 2002). A la fin des années 1980, il se situe aux alentours de 15% de l’emploi total au Maroc, 25% en Tunisie et en Egypte, 55% en Algérie, 45% en Jordanie (World Bank 2003). Si l’expansion des services publics a constitué l’assise principale de l’emploi étatique, la croissance des administrations et de l’armée y a joué un rôle non négligeable. Ajoutons que l’Etat, premier entrepreneur capitaliste, contrôlait à lui seul jusqu’à récemment les principales unités de production. Les entreprises publiques représentent encore 57% du PIB en Egypte, 32% en Tunisie et 18% au Maroc (World Bank 2002). A certains égards, cette collusion entre Etat social et Etat employeur fait office de politique de gestion des marchés du travail. La gratuité d’accès à l’éducation secondaire et supérieure, et des garanties d’emploi aux diplômés ont nourri la dynamique de gonflement de l’emploi public : la concentration des diplômés du secondaire y est marquée. La demande de travail de l’Etat a constitué un formidable moteur à la hausse du niveau éducatif. A l’inverse, l’accroissement du niveau moyen d’éducation a fait pression sur les gouvernements pour les inciter à embaucher les nouveaux diplômés, et a donc contribué à former une fonction publique pléthorique et surnuméraire9. En Egypte, des années 1960 aux années 1990, une loi garantissait un emploi public aux diplômés du secondaire et de l’université. L’allongement des temps d’attente (jusqu’à 13 ans en Egypte ; Tourné 2004) a été le principal facteur à rendre cette disposition caduque. Les secteurs publics ont également joué un rôle fondamental dans l’absorption des jeunes filles éduquées, contribuant au premier chef à l’accroissement de leur taux de participation à la population active. Les mesures de protection sociale leur étant spécifiquement destinées (congés maternité) ainsi qu’à leurs enfants, aux côtés des autres protections (horaires de travail, possibilités de retraite anticipée…) ont fortement contribué à l’attraction exercée par l’emploi public sur ces femmes et au fait qu’elles y demeurent plus longtemps que dans d’autres types d’emploi. En 1990, l’emploi public représente 85% de l’emploi féminin en Algérie ; 54% en Jordanie, où le taux de participation féminine s’est multiplié par plus de trois entre 1984 et 1996, et 66% en Egypte en 1988, 42% en Syrie et seulement 7% au Maroc tout au long des années 1990 (World Bank 2003). Bien que la part de l’emploi public dans l’emploi total demeure relativement importante pendant les années 1990, elle s’est réduite par rapport à la période antérieure, et le secteur privé tend à prendre le pas, sauf en Egypte : comme en Algérie, la croissance de l’emploi public y est restée supérieure à celle du privé10. Dans ces deux pays, la croissance de l’emploi public au cours des années 1990 a dépassé le tiers du total de la création d’emplois.
Source: World Development Indicators 1999, World Development Report 1998/99 and World Employment Report 1998/99, compilé par ERF 2000. L’emploi public a eu une fonction redistributive considérable. Un effet crucial en est la constitution d’une classe moyenne, assise légitimatoire de l’Etat, qui donne une consistance sociale à la bureaucratie et fait contrepoids aux autres forces sociales, notamment l’aristocratie terrienne. En 1999, les salaires versés par l’Etat représentent près de la moitié des dépenses publiques en Jordanie, plus du tiers en Tunisie et entre un quart et un cinquième en Algérie et au Liban. Sauf en Tunisie (+50%), ce poids ne s’est pas substantiellement modifié depuis le milieu des années 1980. Dans un contexte de déficit budgétaire et d’ajustement structurel, le moyen le moins coûteux politiquement de contenir cette charge fut de laisser se dégrader la valeur réelle des rémunérations des employés publics, tout en freinant les embauches et en encourageant les départs à la retraite non remplacés. Pourtant, comme nous le verrons, les emplois publics continuent à attirer les demandeurs d'emploi : l’Etat représente encore le principal employeur formel urbain, surtout pour les personnes éduquées. 4. Les programmes publics de soutien à la consommation et l’assistanceIls sont de deux sortes : d’une part, ceux qui relèvent des systèmes d’Etat social mis en place dans les années 1960 et 1970 (subventions et soutien au revenu des agriculteurs essentiellement, auxquels on peut rajouter la protection de l’économie dans son ensemble) ; d’autre part, ceux qui ont été impulsés comme « accompagnement social à l’ajustement » et comme nouvelle vague de filets sociaux de sécurité et d’outils de gestion du risque social (travaux publics11, fonds sociaux, bons alimentaires, soutiens financiers…). La montée de la pauvreté s’accompagne aussi d’un renforcement de l’assistance privée. a) Les subventions publiques et les formes de soutien au revenu des agriculteursD’importants mécanismes de subvention ont été mis en place dans la plupart des pays arabes qui, accompagnés d’une réglementation des prix, visaient à maintenir le pouvoir d’achat des salaires urbains, et à soutenir le revenu des producteurs agricoles. Les prix agricoles dans la plupart des pays de la région ont été garantis à un niveau minimum, parfois assortis d’obligations de livraison à l’Etat, qui gérait également les importations céréalières et leur prix de vente sur les marchés intérieurs. On peut ajouter la fixation des prix de certains intrants à des niveaux relativement bas : fertilisants, produits de traitements, semences, diesel, et l’eau destinée à l’irrigation. Certainement, les agriculteurs les plus intégrés au marché en ont profité plus que les paysans produisant essentiellement pour leur auto-consommation. Pour l’ensemble de la population, les prix publics de l’eau, de l’électricité, et parfois des transports étaient également fixés à un niveau assez bas, et/ou subventionnés. Cette régulation politique de l’offre de produits et services essentiels s’étendait aussi à une gamme de produits alimentaires, de façon à stabiliser les prix d’offre et à permettre aux ménages les plus modestes de subvenir à leurs besoins de base. Les subventions à la consommation alimentaire ont fait partie des dispositifs de l’Etat social dans la plupart des pays de la région. Il s’agissait soit de subventions universelles (e.g. Maroc), telles celles au prix du pain et des biens de première nécessité ; soit de subventions ciblées (e.g. Tunisie) : à des produits essentiellement consommés par des pauvres (de qualité inférieure), ou distribués dans des lieux d’accès réservé (coopératives militaires ou de fonctionnaires, par exemple) ; soit encore de bons alimentaires distribués sur la base du revenu (Jordanie). De nombreux Etats fournissent des subventions aux fonctionnaires de l’administration publique et aux militaires, qui permettent à leurs bénéficiaires de se procurer des biens de consommation à des prix inférieurs à ceux du marché. Ce soutien à la consommation peut être considéré comme un complément de salaire, ciblé sur le secteur public au détriment des travailleurs du secteur privé ou de ceux engagés dans de petites activités informelles. Suite aux interventions des institutions financières internationales, les pays arabes ont été fortement incités à réduire l’ampleur des soutiens à la consommation pour les concentrer sur les catégories les plus démunies et faire des économies de dépenses publiques. La raison pour laquelle les subventions ont soulevé la vindicte des organisations financières internationales est essentiellement qu’elles engendrent des distorsions dans les systèmes de fixation des prix. En outre, alors qu’elles coûtaient cher au budget public - les postes de subventions représentaient l’équivalent des postes d’éducation ou de santé (5% du PIB) - , elles bénéficiaient à tous, et proportionnellement plus aux non-pauvres qu’aux pauvres12. Les programmes de subventions font désormais partie des mécanismes de soulagement de la pauvreté : ils changent de finalité et de mode de fonctionnement, et nécessitent donc des dispositifs de tri des bénéficiaires légitimes et d’écartement des « passagers clandestins » (free riders). Le nombre des produits subventionnés est généralement réduit, en faveur de produits de basse qualité qui conduisent à un « auto-ciblage ». En Tunisie le programme est "fondé sur le principe que seuls ceux qui ont besoin du subside choisiront d'en bénéficier [...]. Les biens fortement consommés par les pauvres continuent d'être subventionnés mais ils ont été rendus non attirants pour les autres consommateurs. En même temps, la vente de gammes de meilleure qualité des mêmes produits a été libéralisée" (Van Eeghen 1995: 36 et 41) Le poids des dépenses de subventions s’est considérablement réduit, contribuant certainement à une aggravation de la pauvreté des couches vulnérables. En Algérie et en Jordanie, les programmes de subventions ont été abandonnés au cours de la première moitié des années 1990 et reconvertis en mécanismes d’aide sociale. b) Les filets sociaux de sécurité à l’ère de l’ajustement : le ciblageL'objectif de réduction des déficits publics et la crainte de perturber les mécanismes de marché, ou d'engendrer des désincitations au travail, se traduisent par une véritable "chasse aux fuites" et une obsession du "ciblage" dans la mise en place des mesures d'assistance. Les techniques archaïques de sélection des bénéficiaires sont remises au goût du jour. Les programmes de travaux publics existent au Maroc et en Tunisie depuis plusieurs décennies. Ils sont destinés à créer des emplois de courte durée pour les plus pauvres, par le biais de chantiers d’intérêt public. Ces programmes ont été renforcés dans le cadre de l’ajustement structurel. En Algérie, ils ont été introduits au cours des années 1990, après que l’ajustement structurel ait montré ses effets sur l’appauvrissement. Le niveau des salaires est crucial dans le ciblage des pauvres : "seuls les réellement démunis accepteront des emplois à bas salaires. Si les salaires sont trop élevés, il existe de bonnes chances pour que les programmes de travaux publics attirent des catégories plus aisées et absorbent les ressources limitées allouées à la réduction de la pauvreté. De plus, si les salaires sont trop élevés, les programmes de travaux publics pourraient saper la création d'emplois par le secteur privé"(Van Eeghen 1995: 36 et 41). S’ils fournissent un emploi rémunéré à un nombre important de personnes démunies, la courte durée des programmes de travaux publics empêche qu’on les considère autrement que comme de l’assistance de très court terme, une sorte de transfert de revenu avec contrepartie laborieuse. De surcroît, ils sont déterminés par l’offre et les besoins en chantiers, plus que par ceux des travailleurs pauvres auxquels ils s’adressent pourtant, et s’avèrent souvent être beaucoup trop intensifs en capital pour maximiser la distribution de revenus. Les fonds sociaux de développement sont un instrument de l’accompagnement social à l’ajustement. Ils ont été implantés en Algérie, en Egypte et en Palestine et, sous une forme proche, en Jordanie. Financés par le gouvernement et par les bailleurs de fonds, ils sont généralement destinés à renforcer les investissements publics dans les domaines sociaux par l’implication des communautés locales et des donateurs dans la fourniture de services et d’infrastructures sociales. Ils visent également à amortir l’effet de l’ajustement sur les pauvres en créant de l’emploi pour certaines catégories vulnérables, et à favoriser la création de sources de revenus par le biais de micro-crédits, en particulier à l’égard des femmes13. Le fonds social égyptien était le plus important du monde en 1999. Dans la région, les fonds sociaux de développement pèsent peu dans l’ensemble des « filets sociaux de sécurité », et sont très dépendants des financements extérieurs (Jorgensen & Domelen 1999). Les programmes de distribution d’assistance directe en nature ou en espèces ont été créés ou renforcés suite à la prise de conscience de l’ampleur de l’appauvrissement. Des distributions alimentaires ont été mises en place en Tunisie dans les écoles, à destination des personnes âgées et handicapées au Maroc, à l’endroit des mères et enfants au Maroc et en Tunisie, et des bons alimentaires institués en Jordanie. On peut y adjoindre des programmes spécifiquement destinés à l’alphabétisation, à la formation des plus démunis, à l’accueil des orphelins, etc.. En outre, des allocations d’aide sociale sont attribués sur une base catégorielle (handicapés, personnes âgées sans famille, ménages dirigés par des femmes) et en fonction de seuils de pauvreté. La charité privée et l’aide internationale abondent souvent l’assistance publique, et lui servent de relais. La solidarité privée est appelée à la rescousse d'une régulation sociale et d’une fonction de protection et d’assistance que les États ne peuvent assumer. La plupart des rapports écrits sur la région l’affirment, et le considèrent comme une ressource : les pays arabes sont caractérisés par un système de responsabilité sociale particulièrement fort et cohésif par lequel les familles s’entraident en période de pénurie et où les revenus sont redistribués aux plus pauvres par des associations et des fondations religieuses et charitables. La plupart des Etats ont libéralisé l’enregistrement d’associations caritatives locales, qui institutionnalisent les pratiques charitables traditionnelles et servent de points d’appui aux ONG internationales. L'humanitaire se développe aussi sous d'autres formes, porté par de nouveaux acteurs. En Égypte, sous couvert d'un discours de "réaffirmation des catégories islamiques du don", les hommes d'affaires développent des pratiques philanthropiques, occupant, en marge des institutions religieuses traditionnelles, "la place vacante [préparée à la charité par] la conjoncture contemporaine locale et globale": "la charité réapparaît ainsi au point de convergence entre les nécessités sectorielles des entrepreneurs (promouvoir l'entreprise privée), le système de valeurs en cours (l'obligation de solidarité envers les pauvres) et la ligne politique dominante sur le scène internationale (consolider l'État minimum)." (Haenni 1997: 7). Si ces mécanismes aident les pauvres à survivre au jour le jour, il ont rarement l’ampleur, la durabilité temporelle et la robustesse nécessaires pour mener à bien un projet de sortie de la pauvreté. En outre, solidarité signifie le plus souvent création d’une dette, non seulement monétaire, mais aussi morale, sociale et politique, qui réduit considérablement la marge d’autonomie des pauvres et peut même aller à l’encontre de progrès de la démocratisation pourtant énergiquement prêchés. En outre, l’assistance, par définition, ne relève pas du champ du droit. Or, c’est dans celui-ci que doit s’inscrire la protection sociale pour constituer une garantie efficace contre la précarité, sans perte de liberté et d’autonomie. En Israël, les programmes d’assistance sont remis en cause, de façon très comparable à celle qu’on observe dans les pays de l’ouest européen. La crise économique et les difficultés budgétaires justifient des coupes sérieuses dans les programmes d’aide sociale et familiale. Ces circonstances favorisent la remise en cause de l’Etat providence dans sa dimension assistancielle mais aussi interventionniste, par une alliance entre les élites politiques et le patronat, face à des syndicats affaiblis : passage du welfare au workfare, critique des comportements de dépendance à l’égard de l’assistance, culpabilisation des pauvres, etc. (Doron 2003). La rétraction de l’Etat social en période de crise économique conduit à des remises en cause du pacte social, à des contestations des formes de domination et de pouvoir établies pendant les périodes de construction nationales et étatiques et à des défis posés à la légitimité des Etats. La crise est intimement liée à la remise en cause du modèle salarial et à l’affaiblissement de la capacité du travail à procurer des formes de sécurité d’existence. |
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