A SSOCIATION DES DIRECTEURS MUNICIPAUX DU QUÉBEC Le conseil municipal, le maire et le directeur général : rôles et responsabilités de chacun Présentée par : Me Martin Bouffard et Me Jean-Hugues Fortier*

3075, ch. des Quatre-Bourgeois, bur. 400 Québec (Québec) G1W 4X5 Tél. (418) 651-9900 Téléc. (418) 651-5184 avocats@morencyavocats.com Magog Le 17 mai 2007
* Avec la collaboration de Me Philippe Asselin et Me Caroline Boudreau
TABLE DES MATIÈRES
INTRODUCTION 2
PARTIE I – La répartition des responsabilités entre les directeurs municipaux et les élus : comment s’y retrouver ? 4
1.1Le rôle du conseil municipal et des membres qui le composent 5
1.2Les rôles et responsabilités du maire 7
1.3Les fonctions et pouvoirs du directeur général et du secrétaire-trésorier 8
PARTIE II – LE DÉVELOPPEMENT D’OUTILS visant à faciliter les relations entre les DIRECTEURS MUNICIPAUX et le conseil municipal 13
2.1Cadre législatif 13
2.2Politique de gestion sur la répartition des fonctions des ressources humaines 18
2.3Contrat de travail à titre préventif et palliatif 20
CONCLUSION 23
INTRODUCTION
Adapter sa façon de travailler en fonction de son nouveau patron n’est pas une chose facile. Cela l’est encore moins lorsque l’organe décisionnel de qui l’on relève est susceptible de changer tous les quatre ans. Telle est la situation des directeurs municipaux au Québec. Plusieurs directeurs municipaux d’expérience peuvent témoigner des répercussions qu’on eu le résultat des élections municipales sur leur façon de travailler.
Qui dit élection municipale dit nouveaux élus. Bien souvent, ces personnes à qui les citoyens ont confié l’exercice d’une charge au conseil municipal n’en connaissent pas la teneur, ni même les rouages. De plus, ces nouveaux élus ont leur propre façon de voir les choses, laquelle peut parfois être différente de celle de leurs prédécesseurs.
Qui dit élection municipale dit également nouveaux tempéraments ! Or, pour le directeur municipal qui exerce depuis quelques années ses fonctions au sein de la municipalité, qui a développé sa façon de travailler et qui a adapté son environnement de travail en conséquence, il n’est pas nécessairement facile de voir arriver tous ces nouveaux élus dans le décor ! Alors que l’ancien maire n’était pratiquement pas au bureau municipal, ayant à exercer un travail à temps plein à l’extérieur, voilà que le nouveau maire, pour sa part retraité, passe la majeure partie de sa semaine au bureau municipal. Alors qu’avant, le directeur municipal ne voyait les conseillers municipaux que lors des sessions du conseil, voilà que tous et chacun défilent hebdomadairement dans son bureau afin de s’enquérir des dossiers dont ils ont été saisis.
Ces quelques exemples illustrent qu’il n’est pas exclu que des tensions puissent éventuellement survenir entre le directeur municipal et les élus. À court ou moyen terme, l’accumulation de ces tensions peut être génératrice de conflits.
Qui a tort et qui a raison ? Qui doit effectuer telle tâche et qui doit assumer telle responsabilité ? Comment faciliter l’arrivée d’un nouveau maire et/ou de nouveaux conseillers en fonction de la façon de travailler du directeur municipal ? Afin de répondre à ces questions, nous clarifierons d’abord les fonctions du directeur municipal par rapport à celles des élus. Une fois cette première partie complétée, nous proposerons par la suite la mise en place de certains outils dans le but de faciliter le travail au quotidien du directeur municipal.
PARTIE I – La répartition des responsabilités entre les directeurs municipaux et les élus : comment s’y retrouver ?
Lorsqu’un conflit survient entre deux personnes d’une même organisation, l’origine de celui-ci réside souvent dans le manque d’information dont chacune de ces personnes disposent, ou est le résultat d’une mauvaise compréhension du rôle de chacun. Comme nous l’avons mentionné en introduction, les nouveaux élus ignorent généralement toute l’ampleur du rôle et des responsabilités inhérentes à la charge qu’ils exerceront au sein de la municipalité. Il est donc normal, en début de mandat, que le maire et les autres membres du conseil nouvellement élus, pensant bien faire, prennent sur eux l’accomplissement de certaines tâches dans l’administration de la municipalité. Cependant, et on l’aura deviné, il arrive que ces tâches relèvent du directeur municipal. Voilà pourquoi il est important de bien discerner les fonctions qui relèvent respectivement du conseil municipal, du maire et du directeur général.
D’un autre côté, après plusieurs années au service d’une municipalité, un directeur municipal aura généralement pris de l’assurance dans les fonctions qu’il exerce. Même si cela pouvait être justifié par le fait que l’ancien conseil municipal était moins « présent » dans la gestion quotidienne de la municipalité, il n’en demeure pas moins que certains rôles et responsabilités doivent être assumés par les élus et non par le directeur général. C’est pourquoi, une fois de plus, la clarification des fonctions entre tous ces intervenants est de mise.
Le rôle du conseil municipal et des membres qui le composent
Les membres du conseil municipal ont essentiellement trois rôles1 dont ils doivent s’acquitter. Le premier de ces rôles est celui d’administrateur. En effet, le conseil d’une municipalité constitue l’organe décisionnel de celle-ci puisque ses membres auront à prendre des décisions sur les orientations et les priorités d’action de la municipalité. En effet, selon l’article 79 CM2 (article 47 LCV3), une municipalité est représentée par son conseil, ses droits étant exercés et ses devoirs étant remplis par ce conseil et ses officiers. C’est en vertu de ce rôle, par exemple, que l’article 953.1 CM (article 473 LCV) impose au conseil municipal d’adopter le programme des immobilisations de la municipalité. C’est également en vertu de ce rôle que l’article 954 CM (article 474 LCV) énonce que le conseil d’une municipalité doit préparer et adopter le budget.
De plus, à titre d’administrateur de la municipalité, le conseiller municipal peut être nommé à des commissions ou des comités créés par le conseil, et ce, tel que le permet l’article 82 CM (article 328 LCV). Un conseiller municipal peut donc se voir attribuer par le conseil des dossiers particuliers qu’il aura pour mission d’approfondir afin de pouvoir éclairer la prise de décisions du conseil4. Cependant, bien que les conseillers municipaux aient intérêt à s’enquérir de toute l’information requise et de faire certaines démarches en vue de mener à terme leurs dossiers, rappelons qu’en dehors des sessions du conseil municipal, ceux-ci ne disposent d’aucun pouvoir afin de prendre des décisions au nom de la municipalité5.
Le deuxième rôle que doivent exercer les membres du conseil municipal est celui d’agir en tant que représentant de la population. En effet, nul besoin de rappeler que les membres du conseil municipal ont été élus par les membres d’une communauté et que ceux-ci, dans l’exercice de leur charge, devront s’efforcer de représenter les citoyens au meilleur de leur intérêt. C’est pour cette raison que selon la jurisprudence, le conseil municipal doit représenter l’intérêt public6. Ainsi, lorsque le conseil municipal prend des décisions relativement à l’administration de la municipalité, celui-ci doit le faire dans l’intérêt des citoyens qu’il représente.
Le troisième rôle que doit exercer le conseil d’une municipalité est celui de législateur. En effet, il est du devoir d’une municipalité d’assurer l’ordre public sur son territoire. Que ce soit en matière de culture, de loisirs, de développement économique local, de production d’énergie, d’environnement, de salubrité, de nuisances, de sécurité et de transport, la Loi sur les compétences municipales7 confère à la municipalité le pouvoir de règlementer dans ces différents domaines. De plus, en vertu de ce rôle de législateur, le conseil municipal doit veiller à la mise en place d’une réglementation adéquate, de manière à s’assurer que la population s’y conforme. Bien que, comme nous le verrons plus loin, le directeur général de la municipalité participe à l’élaboration des projets de règlement, il incombe au conseil municipal de les adopter : article 83 CM (article 350 LCV).
Les rôles et responsabilités du maire
Le maire est le chef du conseil de la municipalité. En vertu de l’article 158 CM (article 328 LCV), le maire préside le conseil municipal au cours de ses sessions. De plus, à l’occasion des sessions du conseil, il lui appartient de maintenir l’ordre et le décorum (article 159 CM et article 332 LCV). Partant, il appartient au maire et non au directeur municipal d’agir à titre de « chef d’orchestre » à l’occasion d’une session du conseil. C’est donc le maire qui devrait diriger l’assemblée et permettre aux membres du conseil et au directeur général d’exprimer leur point de vue ou de répondre à une question. Comme nous le verrons plus loin, bien que la fonction de directeur général soit de premier ordre au niveau de la gestion de la municipalité, son rôle est d’assister le maire lors des sessions du conseil municipal.
Par ailleurs, notons qu’à titre de chef du conseil de la municipalité, le maire dispose également d’un droit de surveillance, d’enquête et de contrôle sur les affaires et les officiers de la municipalité en vertu de l’article 142 CM (article 52 LCV). À titre de chef de l’administration municipale, le maire voit donc au bon fonctionnement de la municipalité. Cependant, signalons que le maire ne doit pas abuser de son pouvoir de surveillance sur les affaires et les fonctionnaires de la municipalité8.
De plus, dans un cas de force majeure ou de nature à mettre en danger la vie ou la santé de la population, de même que dans un cas où les équipements municipaux pourraient être sérieusement détériorés, le maire peut décréter toute dépense qu’il juge nécessaire et octroyer tout contrat de nature à remédier à la situation. Ce pouvoir exceptionnel est conféré au maire par l’article 937 CM (article 573.2 LCV).
Enfin, mentionnons que le maire peut exercer un droit de véto sur les décisions prises par le conseil en refusant d’approuver et de signer tous les règlements, résolutions, obligations, contrats, conventions, ou actes faits et passés ou ordonnés par la municipalité (article 142 CM et article 153 LCV).
Une fois ces distinctions faites sur les rôles et les responsabilités des conseillers municipaux et du maire, que reste-t-il au directeur général ?
Les fonctions et pouvoirs du directeur général et du secrétaire-trésorier
En vertu de l’article 210 CM, « [t]oute municipalité doit avoir un directeur général, qui en est le fonctionnaire principal » (articles 113 et 114 LCV). De plus, toujours selon cette disposition, le secrétaire trésorier est d’office le directeur général d’une municipalité régie par le CM. En somme, le directeur général d’une municipalité en est le fonctionnaire principal, et c’est à ce titre que le conseil lui confie la direction de l’administration municipale9.
Cependant, il importe de signaler que le directeur général d’une municipalité régie par le CM ne dispose pas de tous les pouvoirs attribués à son homologue œuvrant dans une municipalité régie par la LCV. En effet, pour que le directeur général d’une municipalité régie par le CM puisse disposer des mêmes pouvoirs qu’un directeur général d’une municipalité régie par la LCV, le conseil doit, conformément à l’article 212.1 CM, le prévoir par règlement. À titre d’illustration, voici quelles sont les principales distinctions entre les pouvoirs d’un directeur général d’une municipalité régie par le CM et celle régie par la LCV :
Pouvoirs et fonctions d’un directeur général d’une municipalité régie par le Code municipal du Québec
| Pouvoirs et fonctions d’un directeur général d’une municipalité régie par la Loi sur les cités et villes
| Il assure les communications entre le conseil municipal et les autres comités : article 212 (1) CM
Il assure les communications entre le conseil municipal et les autres fonctionnaires et employés de la municipalité : article 212 (1) CM
Pour les fins ci-haut mentionnées, le directeur général peut obliger tout fonctionnaire ou employé à lui fournir tout document et/ou renseignement, sauf exception : article 212 (1) CM
Il aide le conseil et les autres comités dans la préparation du budget, le cas échéant, du programme d’immobilisation de la municipalité et des plans, des programmes, des projets destinés à assurer son bon fonctionnement : article 212 (2) CM
Il examine les plaintes et les réclamations contre la municipalité : article 212 (3) CM
Il étudie les projets de règlement de la municipalité : article 212 (4) CM
Il assiste aux séances du conseil municipal et des autres comités : article 212 (5) CM
Il fait rapport au conseil municipal sur l’exécution des décisions de celui-ci et notamment sur l’emploi des fonds aux fins pour lesquelles les membres du conseil ont voté : article 212 (6) CM
| Il assure les communications entre le conseil municipal et les autres comités : article 114.1 (1) LCV
Il assure les communications entre le conseil municipal et les autres fonctionnaires et employés de la municipalité : article 114.1 (1) LCV
Pour les fins ci-haut mentionnées, le directeur général peut obliger tout fonctionnaire ou employé à lui fournir tout document et/ou renseignement, sauf exception : article 114.1 (1) LCV
Il prépare le budget et le programme d’immobilisation de la municipalité et les plans, les programmes et les projets destinés à assurer son bon fonctionnement : article 114.1 (2) LCV
Il examine les plaintes et les réclamations contre la municipalité : article 114.1 (3) LCV
Il étudie les projets de règlement de la municipalité : article 114.1 (4) LCV
Il assiste aux séances du conseil municipal et, avec la permission du maire, il donne son avis et présente ses recommandations sur les sujets discutés, sans avoir le droit de voter : article 114.1 (7) LCV
Sous réserve des pouvoirs du maire que nous avons abordé précédemment, il veille à l’exécution des règlements de la municipalité et des décisions du conseil, et notamment il veille à l’emploi des fonds aux fins pour lesquelles les membres du conseil ont voté : article 114.1 (8) LCV
Il fait rapport au conseil municipal sur tout sujet qu’il croit devoir porter à sa connaissance en vue de la saine administration des deniers publics, du progrès de la municipalité et du bien-être des citoyens, sauf exception : article 114.1 (6) LCV
Il soumet au conseil municipal les budgets, les programmes d’immobilisation, les plans, les programmes et les projets qu’il a préparés, ainsi que ses observations et ses recommandations concernant les plaintes, les réclamations et les projets de règlements qu’il a étudiés : article 114.1 (5) LCV
Il a autorité sur tous les autres fonctionnaires et employés de la municipalité : article 113 al. 2 LCV10
Il peut suspendre un fonctionnaire ou employé de ses fonctions et doit en faire rapport immédiatement au conseil municipal qui décide du sort du fonctionnaire ou employé suspendu après enquête : article 113 al. 3 LCV
| En plus des pouvoirs et des rôles conférés expressément par les lois du domaine municipal, notons que le conseil municipal peut, de plus, déléguer certains de ses pouvoirs au directeur général. Tout d’abord, signalons à titre d’exemple le pouvoir d’autoriser le directeur général à faire des dépenses et à passer des contrats au nom de la municipalité : article 961.1 CM (article 477.2 LCV). Un autre exemple se trouve à l’article 165.1 CM (article 73.2 LCV), lequel permet au conseil municipal de déléguer au directeur général le pouvoir d’engager un salarié. Signalons cependant que le directeur général ne disposera pas du pouvoir de suspendre celui-ci sans traitement ou de le congédier, cette prérogative étant réservée au conseil municipal comme nous le verrons plus loin.
Par ailleurs, en matière d’accès à l’information, nous constatons généralement que c’est le directeur général d’une municipalité qui exerce la fonction de responsable de l’accès aux documents. Puisque cette fonction doit être attribuée à la personne ayant la plus haute autorité11 au sein d’un organisme public, celle-ci doit en principe être exercée par le maire de la municipalité. En pratique cependant, tel que le permet la loi, il est possible de désigner comme responsable de l’accès aux documents un membre du personnel de direction et de lui déléguer tout ou partie de cette fonction12. C’est pour cette raison que cette fonction sera généralement attribuée au directeur général de la municipalité. Comme nous pouvons le constater, rien n’empêcherait toutefois un maire qui désirerait agir à titre de responsable de l’accès aux documents d’exercer cette fonction.
Enfin, nous désirons revenir sur une des fonctions du directeur général que nous avons présentée. En effet, nous avons vu qu’en vertu de l’article 212 (50) CM (article 114.1 (70) LCV), le directeur général d’une municipalité assiste aux sessions du conseil municipal. Lorsque nous avons abordé les responsabilités du maire, nous avons vu qu’à titre de chef du conseil de la municipalité, celui-ci préside les sessions du conseil. Or, il est important de souligner que lors d’une session du conseil municipal, le directeur général, malgré toute sa connaissance des dossiers, devrait agir en second plan. Afin d’illustrer nos propos, mentionnons le cas de l’ordre du jour. Selon le ministère des Affaires municipales et des Régions :
« Les lois municipales n’exigent pas l’adoption d’un ordre du jour. Afin de favoriser un déroulement plus ordonné de l’assemblée, il est conseillé de proposer un ordre du jour en début d’assemblée. Le greffier ou le trésorier peut préparer un projet d’ordre du jour et en discuter avec le maire, mais c’est le conseil en assemblée qui décide du contenu final de l’ordre du jour. Les élus peuvent donc modifier à leur gré l’ordre du jour d’une assemblée régulière.13 »
(nos soulignons)
En somme, nous retenons que les directeurs municipaux se chargent essentiellement d’appliquer les décisions prises par le conseil et d’agir comme intermédiaire entre le conseil, les autres fonctionnaires et la population. Lorsque la répartition des fonctions et responsabilités du directeur général par rapport à celles des élus n’est pas claire, il est possible que des tensions entre ceux-ci puissent survenir. Afin de favoriser la collaboration entre le directeur général et les élus, la clarification et le respect des champs de compétences est de mise14.
Comment y parvenir ? Nous proposons deux moyens : la politique de répartition des fonctions et l’élaboration d’un contrat de travail explicite.
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