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Le cas d’Endotis PharmaCette biotech a été créée en février 2003 par trois chercheurs expérimentés en management d’entreprises ou en développement de produits dans des sociétés pharmaceutiques ou des biotechs. Un seul capital-risqueur, Sofinnova Partners, participe à son premier tour de table en juin 2005, pour un montant de 4 Millions d’€11. La société entre alors dans une période difficile en terme de management. David Béchard, fondateur et PDG jusqu’alors de l’entreprise, et qui a pourtant un double profil de scientifique (doctorat en oncologie) et de manager (HEC et consultant) est démis de ses fonctions par son principal investisseur, au bout de 6 mois, ainsi que les deux autres fondateurs. S’il reconnaît que « c’est un risque à accepter dans ce secteur parfois »12, l’ancien CEO met alors explicitement en cause la manière dont il est évincé, avec ses deux associés, de ses fonctions de direction, mais surtout la manière dont ils se sont ensuite vus « expropriés » de leurs titres, par un procédé appelé « coup d’accordéon ». Sofinnova Partners est ainsi accusé d’avoir réduit le capital à zéro, avant de recapitaliser la société juste après prenant 100% du capital. L’éviction du PDG fondateur fait l’objet d’un conflit ouvert entre ce dernier et l’organisme renommé de capital-risque. « Ces fonds d’investissements en capital-risque, présents au capital de la grande majorité des start-up capables de devenir des leaders de demain, peuvent parfois se comporter de manière très peu éthique et sans aucun respect pour les entrepreneurs et business angels » (David Béchard). Un autre CEO est nommé en juin 2007 à la tête d’Endotis Pharma. Le profil du nouveau dirigeant, choisi par le capital-risqueur, laisse supposer que ce dernier considère alors que le dirigeant-fondateur ne possède plus les compétences managériales pour développer la société, notamment conclure un partenariat avec un industriel de la pharmacie (en l’occurrence, Organon-Schering Plough) et surtout mener à bien un second tour de table, de grande ampleur. Cette situation de conflit ouvert est rare dans ce secteur et fait d’Endotis Pharma un cas d’école. David Béchard souligne ainsi que « il y a une véritable omerta dans ce secteur depuis 10 ans car les entrepreneurs craignent les fonds ». 2.2.3. Scénario 3 : Le remplacement à l’amiable justifié par le manque de compétences managériales du dirigeant Un autre scénario apparaît à l’issue de notre recherche terrain. Le remplacement du dirigeant par le capital-risqueur peut se faire à l’amiable. Ce remplacement peut être tout d’abord accepté par et entre les deux parties, dans la mesure où il était prévu de façon contractuelle dans le pacte d’actionnaires : « C’est beaucoup le cas aujourd’hui, où les personnes demandent des clauses parachutes » (chasseuse de têtes). Les verbatim montrent qu’il peut être vécu comme une contrainte ou au contraire correspondre aux aspirations du dirigeant. Certains d’entre eux affichent la volonté de ne pas devenir manager afin de rester concentrés sur leur cœur de compétences scientifiques. Le conflit est alors absent de ce scénario : « Aujourd’hui quand j’investis dans une start-up je ne promets rien à personne. Le dirigeant connaît les règles. Il n’y a qu’une seule entreprise de mon portefeuille où le dirigeant est le même aujourd’hui qu’au début. Cela ne se fait pas dans le conflit car le dirigeant laisse la place. Il m’est arrivé de remplacer un dirigeant puis de faire appel à lui ensuite dans une autre entreprise. Je l’ai sorti de l’entreprise X et je l’ai embauché dans l’entreprise Y. Il n’y a rien de personnel dans ce dispositif. J’ai plein d’expériences où je suis resté dans de bonnes relations avec les CEO débarqués » (Un capital-risqueur) « Dans la structure de capital-risque dans laquelle je travaillais, les deals étaient à l’échelle européenne : il y avait des prix Nobel qui n’avaient absolument pas envie de manager une entreprise. » (un capital-risqueur) Suite à son remplacement, le dirigeant-fondateur opte (en accord avec ses investisseurs) pour trois possibilités :
« Le cas standard est celui dans lequel il n’y a pas de conflit. Ce n’est pas conflictuel car les fondateurs sont prévenus : ils ne savent pas gérer le développement et il est de leur intérêt que la boîte continue à bien fonctionner car ils en détiennent des parts… Le remplacement se fait lors du développement de l’entreprise. Le fondateur avait les compétences nécessaires lors de la création : on avait besoin de lui pour mettre au point le nouveau produit. Mais lorsque l’entreprise s’est développée, il a fallu le remplacer. En général, on lui demande de rester au board. Il occupe un poste de directeur scientifique » (un capital-risqueur) « Il peut rester dans la start-up pour continuer à gérer la R&D mais il faut quelqu’un d’autre pour gérer la société » (une chasseuse de têtes)
« Il [un capital-risqueur] a obtenu que je reste conseiller scientifique de mon ancienne société pendant 4 ans. J'avais l'impression que je pouvais sauvegarder quelques trucs, et les actionnaires avaient la sensation qu'au niveau scientifique je pourrais amener des choses, ils ont préféré cette solution-là (…) On peut aussi rester conseiller scientifique.» (un dirigeant devenu ensuite directeur d’une structure publique)
« Moi, je ne voulais pas faire de business. Mon truc, c’est la science…Donc on s’est mis d’accord sur l’aspect financier et j’ai passé les rênes…C’est très bien comme cela…Je fais ce qui me plaît (…), je vais me lancer dans une nouvelle aventure de start-up… » (un CEO) Le dirigeant peut alors même anticiper son départ en participant au plan de succession : « Je connais un dirigeant qui a choisi de mettre en place un plan de continuité, de 6-9 mois, avec un manager avec qui il s’entendait » (un dirigeant). Notre recherche nous conduit à faire émerger cette troisième possibilité où le remplacement peut être à l’initiative même du dirigeant, tandis que les deux premiers sont souvent le fruit d’une négociation préalable initiée par les capital-risqueurs. 2.2.4. Scénario 4 : Le non-remplacement du dirigeant fondateur de la start-up Un autre scénario se dessine à travers notre recherche-terrain, celui du non-remplacement du dirigeant par le capital-risqueur. Plusieurs témoignages de ces investisseurs en attestent : « Si on remplace un dirigeant, on va droit à l’échec (…) Mon plus grand succès c’est celui de l’entreprise A où le dirigeant-fondateur est celui qui reste du début à la fin. » (un capital-risqueur) « Les meilleures réussites sont celles où le dirigeant fondateur est resté » (un capital-risqueur). « Mon expérience est qu’il ne faut pas changer de dirigeant ! Quand on regarde précisément les choses, on voit que la plupart des boîtes qui fonctionnent bien sont celles qui ont le même fondateur du début à la fin » (un capital-risqueur) « Je considère qu’en tant qu’investisseur, nous ne sommes pas chez nous dans une entreprise : quand on est invité et que cela se passe mal, on s’en va. (…) Je ne remplace pas les dirigeants.» (un capital-risqueur). Les success stories américaines les plus célèbres comme Microsoft, Google ou Facebook s’inscrivent dans ce scénario, tout comme certaines sociétés high-tech françaises. André-Jacques Auberton-Hervé est encore aujourd’hui PDG et président du conseil d’administration de Soitec, entreprise qu’il a co-créée en 1992. Cet ancien chercheur au CEA est présenté comme ayant su évoluer vers des fonctions managériales : « il s’appuie sur ses talents d’industriel et d’entrepreneur pour être porteur d’une vision et d’un projet pour sa société ». La start-up a été financée à ses débuts par le capital-risque, et son dirigeant fondateur a su évoluer avec ces acteurs financiers jusqu’à l’introduction en bourse en 1999. Dans le secteur des biotechnologies, le remplacement n’est pas non plus systématique, en témoigne le cas de Cellectis et de son charismatique dirigeant André Choulika: « Si j’ai un exemple de chercheur qui a bien réussi à vous donner, c’est André Choulika, CEO de Cellectis, président de France Biotech. Qui est un chercheur né, qui adore la science et la recherche, mais qui est aussi un business man. C’est une très belle réussite » (une chasseuse de têtes) . |