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UNIVERSITE CHEIKH ANTA DIOP DE DAKAR FACULTE DES SCIENCES JURIDIQUES ET POLITIQUES COURS DE DROIT ECONOMIQUE PROFESSEUR MOUSSA SAMB AGREGE DES FACULTES DE DROIT Parmi les cinq (5) objectifs créés par le Traité de l’UEMOA (article 4), figure en première place celui du « renforcement de la compétitivité des activités économiques et financières des Etats membres dans le cadre d’un marché ouvert et concurrentiel et d’un environnement juridique rationalisé et harmonisé ; » ce qui devra conduire à « créer entre les Etats membres un marché commun basé sur la libre circulation des personnes, des biens, des services, des capitaux et le droit d’établissement des personnes exerçant une activité indépendante ou salariée, ainsi que sur un tarif extérieur commun et une politique commerciale commune. » Afin d’atteindre efficacement les objectifs ci-dessus cités, il a été adopté en application des dispositions du Traité, une « législation communautaire sur la concurrence » composée de Règlements et de Directives. La législation communautaire sur la concurrence a instauré des relations de coopération entre la Commission de l’UEMOA, organe de décision de l’Union et les Etats membres à travers les autorités nationales de la concurrence, et la Cour de justice. L’on examinera quelques propos introductifs généraux sur le droit économique (Titre I), avant de s’intéresser au droit de la concurrence dans le cadre de l’UEMOA (Titre II). TITRE 1- PROPOS GENERAUX SUR LE DROIT ECONOMIQUE Dans le « Nouvel Etat Industrie » J.K. Galbraith écrit : « Dans le domaine de l’économie, contrairement à celui du roman et du théâtre, il n’y a pas d’inconvénient à dévoiler prématurément ou l’auteur veut en venir ». Cette affirmation est tout aussi fondée pour le droit économique, le droit du nouvel Etat industriel. L’itinéraire de ce cours peut donc légitimement être dévoilé : il nous faut d’accord livrer la définition et la diversité des conceptions du droit économique, il nous faut ensuite discuter son autonomie et sa capacité intrinsèque à revendiquer le statut de branche du droit avant de finir par une note spécifiquement africaine, une interrogation sur les possibilités du droit économique d’apporter des réformes contribuant au développement.
La summa divisio droit public-droit privé a conduit tout naturellement la doctrine académique à distinguer le droit privé économique et le droit public économique. Mais en vérité, la notion de droit économique reste un concept, une discipline sophistiquée, peu reconnue, aux contours divers selon l’approche qu’on en a, pour ne pas dire la langue dans laquelle on la présente (Droit économique, Law of economics , Diritto economico, Wirtschaftsrecht) . La sémantique oblige à distinguer selon que le droit économique est conçu comme un droit de l’économie ou comme une notion distincte du droit de l’économie mais il faudra d’entrée souligner que la définition est très difficile.
Le droit économique peut être présenté comme le droit applicable à toutes matières qui entrent dans la notion d’économie ; peu important que ces matières, ces parties de l’économie relèvent du droit public et du droit privé. Il serait le droit de l’économie. Cette acception peut revendiquer l’avantage de la simplicité mais elle comporte l’inconvénient de ne pas dégager des frontières claires et précises. L’incertitude vient d’abord de la notion même de l’économie. Au sens classique, l’économie recouvre tous les faits de production, répartition, échange, consommation des richesses. On ne peut retenir qu’une discipline peut, elle seule, embrasser tous ces domaines d’activités et revendiquer une autonomie. Peut –on raisonnablement penser que les régimes de la propriété, des sûretés et garanties, des privilèges, des transferts et transports de biens relèvent tous du droit économique parce comportant des aspects économiques et non d’autres branches du droit qui ont déjà acquis droit de cité dans les programmes universitaires ? La réponse doit être négative si elle ne veut pas être taxée d’hérésie scientifique. L’incertitude, ensuite, porte sur la distinction à devoir faire entre l’économique, le social et le financier. L’économique est, bien souvent, accouplé au social : plan de développement économique et social, conseil économique et social, droits économiques et sociaux sont des expressions qui nous sont familières. Faut il dés lors classer toutes ces institutions et catégories normatives dans le droit économique ? La réponse est assurément non. Si l’on envisage le financier, le risque de confusion devient plus grand. Peut on affirmer que le droit financier, déjà très vaste lui-même (finances publiques, droit fiscal, droit des marchés financiers) et comportant, à l’évidence des aspects économiques, entre dans le droit économique ? Assurément non. L’incertitude est, enfin, plus grande lorsqu’on prête attention aux nouveaux développements des rapports entre l’économie et le droit qu’apportent la conception anglo –saxonne de l’économie du droit. Actuellement, l’appellation “analyse économique du droit”, ou “Économie du Droit” représente les branches conjointes des études de droit et d’économie où les recherches portent sur l’analyse par les outils de la science économique des phénomènes juridiques. Par outils de l’économie, il faut comprendre principalement l’analyse coût-avantage, les concepts de coûts moyens et marginaux et plus récemment, les tests économétriques. La gamme des phénomènes juridiques étudiés va du droit civil au droit pénal, de la Constitution à la régulation publique. Principalement développée États-Unis dès les années 1960, puis exportée vers d'autres pays d'expression anglaise dans les années 1970, pays connaissant tous un système juridique de Common Law, l’analyse économique du droit a pu percer dans les pays ayant des Droits de tradition civiliste seulement à partir des années 1980.
Pour éviter toutes les confusions et imprécisions qui peuvent découler de la dualité terminologique, il est proposé de retenir que le droit économique n’est pas synonyme du droit de l’économie. Loin de se réduire à être un carrefour des règles juridiques qui régissent les matières économiques, le droit économique est caractérisé par non pas les objets qu’il porte mais par son contenu, son originalité et la spécificité de ses règles. Il s’agira dés lors d’identifier les aspects du droit de l’économie qui sont marqués par cette spécificité et qui peuvent entrer dans le droit économique. On sera alors poussé à rechercher quelle idée générale serait susceptible de fonder et expliquer la spécificité du droit économique et de fournir ainsi un critère objectif de définition. Une partie de la doctrine (Hamel) conçoit le droit économique comme une extension du droit commercial qui rentre dans le droit privé comme une discipline de droit des affaires ( ce qui explique la présence de ce cours dans votre programme) . Une autre partie (Jeantet) voit au contraire le droit économique plutôt tourné vers le droit public , étant précisément le droit de l’intervention de l’Etat dans l’économie. D’autres auteurs ( Champaud, Truchet, Farjat) cherchent à préciser la notion autour de laquelle leurs paraissent s’ordonner les règles de droit public ou privé , notion qui, dés lors, fournirait le critère général du droit économique. Plusieurs sont, à cet égard, attirés par la notion d’entreprise, et voient dans le droit économique un droit ayant pour objet fondamental l’entreprise, ses relations avec les autres entreprises et avec la puissance publique se manifestant dans plusieurs formes. Mais, certains non moins influents, trouvent la notion d’entreprise trop étroite, trop précise ou pas assez juridique pour qu’on puisse le retenir comme critère général du droit économique. Ils préfèrent plutôt faire appel à des notions plus larges comme celle d’ « organisation de l’économie » ou celle « d’intérêt économique général » mais du fait de leur imprécision ces notions sont rejetées par d’autres comme ne pouvant déterminer avec précision ce qui devrait entrer ou rester étranger au droit économique.
Pour Fernand Jeantet, le droit économique est « l’ensemble des règles juridiques ayant pour objet de donner aux pouvoirs publics la possibilité d’agir activement sur l’économie »( économie réglementée et dirigée pensait-il). Gérard Farjat est très proche de Jeantet, il affirme que le droit économique serait « le droit de la concentration ou de la collectivisation des biens de production et de l’organisation de l’économie par des pouvoirs publics et privés ». Pour ces deux auteurs, le droit économique ne se rapporterait qu’à la macroéconomie. L’économie des entreprises, l’organisation interne de celles-ci, les relations établies avec les autres entreprises, ne relèveraient pas du droit économique. Claude Champaud a une vision plus large, le droit économique serait « le droit du développement et de l’organisation de l’économie industrielle entendue comme un système de production et de distribution de masse » Pour lui, c’est l’entreprise et l’organisation de celle-ci qui sont au cœur du droit économique, que cette organisation relève des pouvoirs publics ou des pouvoirs privés Didier Truchet, quant à lui, estime que le droit économique, étant le droit de tous les agents économiques, aussi bien publics que privés, peut être défini « comme l’ensemble des règles applicables aux relations entre personnes de droit prises en tant qu’unités économiques ». On peut reprocher à cette définition de limiter le droit économique aux agents, alors qu’il est aussi le droit des activités économiques. Elie Alfandari propose une définition plus large et plus transversale : le droit économique serait le droit qui régit la production, la circulation, mais aussi la consommation des richesses ( le droit de la consommation fait partie du droit économique), en somme tous les actes juridiques accomplis par ceux qui interviennent dans ce circuit, et qui sont les sujets du droit économique, tous les biens et services produits et mis à la disposition du consommateur. Selon Alfandari, cette vision serait reliée à celle qui permet au droit économique de transcender toutes les disciplines juridiques. Elle permet, de surcroît, d’éviter une modification de la notion de droit économique en fonction de l’évolution de l’économie. Le droit économique peut alors être défini comme l’ensemble des règles applicables aux personnes du droit dans leur activités économique ou encore l’activité économique des personnes juridiques ou même l’activité économique tout court incluant le circuit production-circulation-consommation. On peut craindre alors de retomber dans la confusion conceptuelle consistant à prendre le droit économique comme synonyme du droit de l’économie. Ce qui oblige à conclure qu’il n’existe aucune définition généralement acceptée du droit économique mais ce qui ne peut interdire une réflexion sur l’existence de droit économique comme une branche autonome du droit.
Evoquer l'autonomie d'une branche du droit est une question délicate car cette notion d'autonomie est imprécise. Il n'existe aucun critère qui permette en réalité d'affirmer de façon péremptoire qu'une branche du droit a une parfaite autonomie. L'autonomie d'une branche du droit se décèle plutôt par l'utilisation de la technique du faisceau d'indices qui met à un moment donné en relief certains aspects du droit où l'on peut remarquer l'émergence d'une spécificité. Selon le Doyen Vedel, une branche du droit supposerait l'existence de principes autonomes ou la combinaison de principes et de méthodes relevant jusqu'à présent de branches différentes. Cette remarquable définition a le mérite de poser implicitement le problème du moment à partir duquel un droit peut être considéré comme autonome. Comme cette autonomie ne se décide pas par un acte de droit positif, il faut donc observer l'évolution de la matière juridique et décider, avec un souci d'objectivité scientifique, à partir de quel moment un glissement significatif s'est opéré. La mutation de la teneur du droit dans ses rapports avec l'économie est complexe et échappe en grande partie à l'analyse strictement juridique. Le propos ne prétend donc pas à l'exhaustivité. L'étude de certains concepts, de certains thèmes nous semble cependant bien mettre en relief cette mutation du droit. Ainsi en est-il des rapports entre service public et droit de la concurrence, du droit de la concurrence et de la notion de régulation comme nouveau paradigme de l'intervention de la puissance publique. En ce qui concerne les rapports entre service public et droit de la concurrence, il est intéressant d'étudier les rapports existants entre les notions d'intérêt général et les notions de concurrence. Il peut être ainsi remarqué que ces deux notions entretiennent des rapports assez complexes. En effet, il clair que les textes de droit communautaire et de droit interne qui organisent la soumission des personnes morales de droit public au droit de la concurrence dans certains domaines) , leur interdisent dans de nombreux cas de déroger à ce droit au nom de leur mission d'intérêt général. C'est ainsi que l'Etat ne peut empêcher le droit de la concurrence de s'exercer au nom de l'intérêt général sauf, bien sûr, circonstances exceptionnelles. L'Etat créant un service public industriel et commercial doit donc en quelques sortes se justifier lorsqu'il veut déroger au droit de la concurrence au nom de l'intérêt général. Et la conception des juridictions communautaires en ce qui concerne le champ d'application du droit de la concurrence est assez large. L'intervention directe de l'Etat au nom de l'intérêt général semble donc devoir faire place à une intervention indirecte qui consiste pour la puissance publique à poser le cadre juridique du droit de la concurrence en laissant ensuite le jeu du marché faire son œuvre. Cela ne revient pas à dire que la défense de l'intérêt général par la puissance publique ne se fait plus. Il peut être en effet soutenu que le droit de la concurrence œuvre pour l'intérêt général, mais la notion d'intérêt général n'est plus une justification juridique directe. L'intérêt général se trouve en quelque sorte satisfait par le marché encadré par le droit de la concurrence. Par ailleurs, Il existe toujours les domaines réservés aux contours jurisprudentiels imprécis correspondant plus ou moins à nos services publics administratifs. Vient ensuite l'intervention, en cas de circonstances exceptionnelles, dans les domaines qui relèvent en temps normal du droit de la concurrence. Il est clair que l'intervention de la puissance publique pour faire respecter l'ordre public se fait dans ce dernier cas au nom de l'intérêt général. En dehors des domaines réservés à une intervention directe de l'Etat au nom de l'intérêt général, il peut être affirmé que le marché fonctionnant dans le cadre du droit de la concurrence remplit d'une certaine manière une fonction d'intérêt général - il s'agit là d'une intervention indirecte de l'Etat - puisqu'il arrive à satisfaire des millions de consommateurs. Il peut maintenant être dit que le droit de la concurrence est "la règle" en ce qui concerne les activités industrielles et commerciales. Quant aux interventions directes de la puissance publique au nom de l'intérêt général, elles sont, dans ces domaines économiques, maintenant l'exception. Hors circonstances exceptionnelles, l'intervention directe de l'Etat dans le domaine économique au nom de l'intérêt général ne peut donc être considérée comme étant juridiquement soustraite du droit de la concurrence. Il résulte de tout ceci que le problème pour bien mesurer la place actuelle du service public comme mode de gestion de la société est d'en donner une définition précise. Le service public - est-il utile de le rappeler - se décèle à partir de trois éléments entrant dans sa définition: Activité d'intérêt général assurée par une personne publique ou privée et soumise à un régime juridique plus ou moins particulier ou la part du droit public est plus ou moins prononcée. C'est avec cette définition à laquelle on ne peut objectivement donner une plus grande précision qu'il est couramment soutenu que si le service public a reculé dans son œuvre d'intérêt général face au marché, ledit service public existe toujours puisque l'organisation du marché relève d'une mission de service public. Toute la force du service public est en effet que l'on ne peut en donner une définition précise, ce qui permet toute acrobatie conceptuelle. Mais tout raisonnement a ses limites. La limite à partir de laquelle la conception du service public n'a plus réellement prise sur une activité, c'est au fond quand le marché par le jeu de l'offre et de la demande internationale donne un prix à un produit et à un service. Or, ce prix obtenu dans un environnement concurrentiel fixe à sa manière les normes qui imposent un droit de l'organisation et du fonctionnement du marché , c'est-à-dire les critères qu'un Etat doit respecter pour attirer les investisseurs sur son territoire et les critères qu'une entreprise doit impérativement respecter pour survivre dans son secteur économique. En ce sens, le droit s'en remet à l'économie pour fixer la norme et la norme se trouve être le prix fixé dans un environnement concurrentiel international. Cette norme trouve sa source tant sur le plan économique que juridique dans la négociation internationale. on voit donc mal comment il pourrait être soutenu que la notion de service public sous-tend l'organisation et le fonctionnement du marché international. Il nous semble résulter de ces observations que le service public suppose un Etat juridiquement et économiquement souverain ou des relations entre Etats souverains ayant les mêmes conceptions et pratiques idéologiques en ce qui concerne les rapports entre puissance publique et économie. Or, ce temps est bien révolu. Il pourrait être objecté que la mutation de la teneur du droit ne l'empêche pas de remplir les mêmes missions. Les moyens changent mais la finalité reste au fond la même. Ainsi, il peut être ainsi soutenu que le principe du respect de l'égalité des administrés devant le service public à pour équivalent le droit de la concurrence, droit sous-tendu par le respect d'une certaine égalité dans la compétition entre professionnels. Quant aux consommateurs, le droit de la consommation assure une sorte d'égalité entre consommateurs. La règle de continuité du service public trouve elle aussi une équivalence dans le droit commercial des entreprises en difficultés, du redressement judiciaire et des faillites. C'est ainsi qu'un secteur économique ayant un minimum de demande, trouve toujours des entreprises pour vendre un bien et assurer un service. La continuité se trouve donc assurée, mais par d'autres moyens. Quant à l'adaptation, elle est, dans le secteur concurrentiel, inhérente à la survie de l'entreprise qui doit rester compétitive pour s'inscrire dans la durée. Ce rapprochement doit cependant être nuancé dans la mesure où l'application de ces trois principes de fonctionnement du service public est justifiée par la satisfaction de l'intérêt général, notion très large et souple qui englobe l'ensemble des problèmes qui peuvent se présenter à la société. Il ne peut en être dit autant du marché. Les règles du marché ont une finalité première différente. Elles organisent un système juridique où l'idée de profit, de rentabilité est mise en avant, quand bien même et fort paradoxalement le consommateur est considéré comme devant être le bénéficiaire privilégié de ce nouvel ordre juridique et économique. Sans entrer dans ce débat sans fin sur les privilèges respectifs des producteurs, distributeurs ou consommateurs, on s'attachera plutôt à mesurer l'étroitesse de conception consistant à n'envisager toute activité que sous l'angle économique. Il résulte de cette analyse que la teneur actuelle des textes de droit économique correspond bien à la doctrine libérale, voire ultra-libérale qui les a inspirée. Un autre aspect du droit économique intéressant à étudier est le droit de la concurrence au niveau international. On remarquera en effet que si les droits interne et communautaire ont mis en place un droit de la concurrence homogène, l'étude des règles de concurrence au niveau international soulève de nombreuses questions. Force est de constater en effet qu'il n'existe pas au niveau international de droit de la concurrence structuré et homogène. Les instances GATT-OMC qui ont largement œuvré pour favoriser le développement du commerce international ne sont pas arrivées pour autant à développer et à imposer au niveau mondial un droit de la concurrence s'appliquant à tous les pays signataires des accords. Cette carence du droit économique qui ne connaît toujours pas au niveau mondial de règles de concurrence est assez paradoxale. Il est en effet piquant de remarquer que le droit de la concurrence est souvent présenté comme le cœur même du droit économique et qu'il n'existe toujours pas à l'heure de la mondialisation de droit international de la concurrence. Les seules manifestations juridiques que nous pouvons remarquer sont les applications extra-territoriales du droit de la concurrence comme le pratiquent fréquemment les Etats-Unis et l'Union européenne . Mais ces applications relèvent plus de l'entente (ou de la mésentente…) entre grande puissance que d'une démarche juridique rationnelle. On notera enfin que cette absence de droit mondial de la concurrence est en réalité une source de distorsions considérables en ce qui concerne l'efficience du droit interne et communautaire. Le dernier élément qui peut nous faire douter de la viabilité du droit de la concurrence tel qu'il est conçu actuellement est la quasi absence de dispositions concernant l'excès de concurrence. S'il est très difficile de définir juridiquement la notion d'excès de concurrence, il est pourtant reconnu qu'une concurrence beaucoup trop vive peut parfois être destructrice du tissu économique et porter atteinte par ce biais à l'intérêt public d'une région ou d'un pays. Or, dans ce nouveau cadre d'une économie de libre échange international telle qu'elle est pratiquée actuellement, il est clair que l'excès de concurrence, sans tomber sous le coup des règlements anti-dumping , peut amener par exemple la fermeture de certaines entreprises au niveau français et européen, la fabrication des produits étant délocalisée vers des pays aux coûts de production plus attractifs . Il est intéressant d'observer le développement de l'idée de régulation dans le discours politique et la doctrine actuelle. La notion de régulation fort difficile à définir pour un juriste nous apparaît comme consistant à envisager l'ensemble des instruments juridiques comme des moyens destinés à limiter les dysfonctionnements conjoncturels de l'économie par le droit. On remarquera que cette idée de régulation comme cela est le cas pour le droit de la concurrence signifie implicitement que l'économie libérale ne peut réellement s'autoréguler comme l'ont soutenu nombre d'économistes et d'hommes politiques. Le problème de la régulation telle qu'elle est actuellement envisagée par la doctrine est qu'elle nous apparaît difficilement applicable dans les faits. L'idée de régulation suppose en effet une autorité souveraine d'un système comportant plusieurs moyens juridiques pour limiter les dérèglements ou les excès de l'économie. Or, la perméabilisation par le droit international économique des frontières des Etats a impliqué un très net affaiblissement des moyens juridiques permettant de réguler une économie. C'est ainsi qu'il nous semble que l'idée de régulation est actuellement employée à des fins idéologiques pour légitimer une désorganisation économique et financière à l'échelle mondiale. La notion de régulation qui se présente comme un nouveau paradigme du droit économique nous apparaît peu convaincante d'un point de vue scientifique, peu satisfaisante pour relater les nouvelles fonctions du droit dans ses rapports avec l'économie. Que penser en effet de la régulation au regard des différents krachs boursiers et monétaires que connaissent à l'heure actuelle différentes régions du globe. Il ne peut être question de régulation en tant que démarche rationnelle lorsqu'il y a réalisation d'un risque systémique financier à l'échelle planétaire. Cette analyse critique de la notion de régulation employée à l'échelle planétaire ne doit cependant pas impliquer à contrario qu'il serait souhaitable de revenir à l'ère du protectionnisme et de l'isolationnisme. Cette attitude réactionnaire outre qu'elle est parfaitement inadaptée à l'évolution des sociétés modernes n'est plus dans les possibilités qu'ont les Etats de s'opposer à l'internationalisation de l'économie. Plus curieuse, dans ce contexte d'internationalisation de l'économie, est l'idée selon laquelle la régulation suppose l'indépendance vis-à-vis du pouvoir politique. Cette idée qui peut apparaître comme légitime sur le plan interne dans le cadre de l'activité de régulation pratiquée par les autorités administratives indépendantes, nous semble très contestables sur le plan international. En effet, il nous semble que la restauration du pouvoir des Etats sur les désordres économiques internationaux ne peut passer que par une initiative politique de représentants politiques ayant un mandat électif. Pour comprendre l'originalité et la spécificité du droit économique contemporain, il faut d'abord accepter de ne plus raisonner avec certains concepts, du moins dans l'acception que nous leur donnons traditionnellement. Un des défauts bien connu du juriste est souvent de continuer à raisonner sur la base de concepts qui ne correspondent plus à la réalité. C'est ainsi que nombre d'analyses se fondent encore sur une conception trop étatiste du droit économique. Il nous faut admettre avec Farjat que l’unité et la cohérence du droit économique ne peuvent être reconnues qu’au prix du sacrifice de vision dualiste et dogmatique du droit. S’il n’a pas d’autonomie, on peut soutenir que le droit économique a néanmoins une certaine spécificité : la première est précisément cette transversalité des diverses branches du droit ; on ne peut le cantonner à un secteur économique particulier, car il concerne toute la vie économique. Pour Alfandari, le droit économique n’est plus un carrefour : il est devenu une autoroute où tous les droits se rejoignent Nos propos qui suivent vont consister maintenant à discuter en quoi cette vision intégrative voire totalisante du droit économique contemporain se prête au contexte spécifique de développement des pays africains.
Le débat est bien posée par Mohamed Salah qui se demande les transformations consécutives à la mondialisation technico-économique ne déboucheraient pas fatalement sur la constitution d’une sorte « de droit économique universel » qui rendrait de moins en moins pertinentes les distinctions liées au niveau du développement ou aux particularités culturelles ou politiques. |
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